26 Octobre 2024
Ne pas avoir la possibilité de tomber amoureuse. Quelle existence ennuyeuse...
Genre :
Yuri
Auteure :
Saburouta
Tomes :
10 (Terminé)
Magazine de prépublication :
Comic Yuri Hime (2012 > 2018)
Éditeur français :
Taifu Comics (2016)
Cette critique parle d'une œuvre abordant des sujets sensibles tels que le harcèlement sexuel ou l'homosexualité.
L'œuvre contient également des scènes érotiques réservées à un public averti. Cependant, aucune image de ce type n'apparaîtra dans cette critique tous publics.
Si vous êtes ou avez été victime ou témoin d'un viol, d'une agression ou de violences diverses, vous pouvez être aidé(e) et accompagné(e) dans vos démarches par les organismes ci-dessous.
Numéros et site d'aide aux victimes ou témoins d'un viol, d'une agression sexuelle ou de violences diverses :
Numéros d'aide aux victimes ou témoins d'actes ou de discriminations lesbophobes, gayphobes, biphobes ou transphobes :
Yuzu n'est jamais tombée amoureuse et souhaiterait avoir un petit-copain pour faire bonne figure auprès de ses copines. Mais son plan tombe à l'eau lorsqu'elle doit déménager suite au remariage de sa mère et entrer dans un nouveau lycée réservé aux filles. Là-bas, elle ne tarde pas à faire la connaissance de Mei, l'intransigeante présidente du Conseil des Élèves qui l'interpelle pour un manquement au règlement intérieur. Après une première journée compliquée, Yuzu rentre chez elle pour découvrir avec stupeur que Mei n'est autre que sa nouvelle petite-sœur par alliance. La situation se complique davantage lorsque Yuzu découvre qu'elle n'est pas insensible au charme glaciale de sa nouvelle camarade...
Serait-ce le début du premier amour tant espéré ?
Citron pressé
citrus est un des rares mangas yuri a avoir réussi à faire son trou auprès du "grand public", grandement aidé par son adaptation en anime en 2018, une opportunité devenue de plus en plus rare pour les romances et qui a toujours été rarissime pour les yuri. C'est ainsi que citrus put rapidement se démarquer des autres productions de la saison lors de sa sortie. Mais que peux donc nous réserver un manga avec cette chance inexpliquée ? Eh bien sachez que le synopsis est bien ce qu'il semble être : une romance lycéenne tout ce qu'il y a de plus classique.
En effet la seule particularité de citrus sera de mettre deux jeunes filles en avant comme couple principal, l'une souriante et fleur bleue, l'autre froide et réservée, retombant déjà dans un schéma des plus classique à ce stade. Ainsi le manga sera à l'image de ce couple principal, le but sera de suivre la romance compliquée de ces deux adolescentes en fleur qui vont devoir apprendre à se connaître et à communiquer pour se comprendre. Pour cela, l'histoire restera dans ce qui se fait de mieux : les clichés. Faire revenir une ancienne amie d'enfance, insérer une meilleure amie amoureuse d'une des héroïnes en secret, montrer un professeur parfait qui est en fait en couple avec une de ses élèves, faire intervenir le grand-père de bonne famille qui s'oppose à la relation entre les deux jeunes filles… bref, tout ce qu'on attend d'un shôjo à l'ancienne est là ! Ainsi le manga se découpera en divers mini-arcs, chacun faisant intervenir un nouveau personnage qui va venir créer un problème qui viendra faire avancer la relation entre nos deux héroïnes.
citrus est donc un manga qui ne se prend pas trop la tête et se contente d'appliquer à la lettre les consignes du genre dans lequel il s'inscrit. Le gros problème, c'est que non seulement il ne se démarquera en rien de spécifique, mais surtout que d'autres mangas feront la même chose en bien mieux que lui ! En effet, chaque histoire viendra soulever une problématique spécifique, mais celle-ci ne sera jamais traitée de manière approfondie. Les arcs avancent très rapidement, le problème est posé là histoire de créer une tension dans l'intrigue, mais tout se règlera généralement en un monologue enflammé de Yuzu sur 2 pages qui clamera son amour sincère pour Mei. Vous vous en doutez, il en sera de même pour la romance qui certes se suivra avec un certain intérêt grâce aux nombreux rebondissements, mais en dehors de ça on ne se sentira jamais réellement impliqué, notamment car les personnages se contentent juste d'étaler leurs états d'âme pour donner du mouvement à l'histoire mais sans décortiquer ou trouver une vraie solution à la source de leur conflit.
Ainsi citrus est un manga qui se lit de manière relativement agréable si vous cherchez une lecture pas prise de tête et attachante, mais en dehors de ça il n'offrira aucune surprise ni nouveauté. Le récit est désordonné, les intrigues cousues de fil blanc, et même les clichés sont mis en avant de manière trop artificielle pour réellement convaincre.
Année de givre, année de fruits
Il est évident que tout ceci se répercutera sur les personnages qui auront bien du mal à offrir un développement digne d'intérêt.
Yuzu est une jeune lycéenne pleine de vie à la forte personnalité. Avec son apparence de gyaru et son franc-parler, elle aura tendance à se faire remarquer dans son nouveau lycée très à cheval sur les règles et la bienséance.
Mei pour sa part est la petite-fille du directeur et aussi la future héritière de l'établissement. Pour le moment elle se contente d'assurer son rôle de Présidente des Élève, un statut qu'elle prend très à cœur. Peut-être un peu trop, sa nature très stricte et peu loquace font qu'elle a peu d'amis.
Le duo d'héroïnes semble donc intéressant à première vue, un peu vieillot peut-être, mais les contraires s'attirent comme on dit. Malheureusement on aura bien du mal à ressentir ce qui unit les deux jeunes filles. On aura très souvent l'impression que Yuzu aime Mei à sens unique, n'hésitant pas à prendre des initiatives ou à lui faire part de ses sentiments, sauf qu'en face Mei est au mieux intimidée, au pire glaciale. Si on s'attache relativement facilement à Yuzu dont la bonne humeur est contagieuse, il n'est pas rare en revanche que les lecteurs n'apprécient pas beaucoup Mei tant elle manque de nuance, apparaissant majoritairement froide et dénuée de tout sentiment positif. La romance entre les deux lycéennes sera un peu mieux développée vers la fin du manga quand Mei s'ouvrira un peu, mais cela restera tout de même trop tardif, et le début de leur relation sera de plus extrêmement poussif entre Je t'aime moi non plus et autre harcèlement sexuel propre au genre…
Les personnages secondaires ne seront pas mieux logés. Nous retrouvons Harumi la meilleure amie cool et branchée de Yuzu qui la soutient toujours. Matsuri sera l'amie d'enfance faussement mignonne et calculatrice qui se posera en rivale. Et Momokino sera la petite fille de bonne famille entièrement dévouée à Mei. Il y aura aussi quelques autres personnages récurrents mais qui n'auront que peu d'incidence sur l'intrigue et seront surtout là pour remplir le groupe d'amies des héroïnes.
Comme souvent dans les yuri, le casting est donc très limité puisque l'histoire est censée se concentrer sur le couple principal. Le manga offre des personnages secondaires sympas mais peu intéressants au demeurant et qui sont surtout là pour être l'ennemi du jour le temps d'un arc vite expédié. Cependant le principal problème reste qu'on a tout autant de mal à s'attacher au couple principal pour de nombreuses raisons, à commencer par ce qui fait du tort aux mangas yuri.
Plus amer que doux
Comme vous avez du le remarquer, dans les mangas, chaque genre possède divers codes qui reviennent de manière récurrente dans tous les titres. Le triangle amoureux pour les shôjo, le dépassement de soi pour les shônen, l'humour à base de tsukkomi pour les gag mangas, etc. Pour les yuri (ou les yaoi) on peut généralement retrouver un couple à la personnalité diamétralement opposée avec un personnage ayant l'ascendant sur l'autre, un univers composé presque uniquement de personnages féminins qui sont tous attirés par les filles, une narration avec beaucoup de raccourcis et des mises en situation peu vraisemblables, ou encore du fanservice plus ou moins poussé, mis en scène via des émotions ou des actions exacerbées où la notion de consentement est généralement peu explorée (voire pas du tout).
Si ces codes pour le moins caricaturaux et très schématiques ont eu tendance à se nuancer avec les années, ils n'en restaient pas moins très populaires voire même "classiques" il y a encore 10 ans, il n'est donc pas rare d'en trouver encore 1 ou 2 dans les œuvres actuelles. Le problème c'est que c'est loin d'être le cas pour citrus qui, comme il le fait avec les codes éculés du shôjo, les utilisera tous sans exception, faisant tiquer à plusieurs reprises. Bon on ne relèvera pas le fait que les filles soient toutes lesbiennes ou que le plot de base soit totalement abracadabrant puisque c'est avant tout là pour donner un contexte propice à l'évolution de l'histoire. Néanmoins, que dire du fan service ? Alors il n'est pas voyeuriste ou complètement toxique comme on peut le voir dans de nombreuses œuvres yuri, néanmoins il reste parfaitement normalisé (à la base Yuzu tombe amoureuse de Mei car celle-ci l'embrasse pour la faire taire on rappelle, et ce schéma se répètera plusieurs fois avec des actes de plus en plus graves) et excessivement mal amené (n'importe quel geste banal se transforme souvent en moment de tension sexuelle dans l'unique but de titiller le lecteur). Et c'est comme ça qu'on se retrouve avec une romance qui part dans tous les sens, c'est à dire où les héroïnes sont prêtes à faire des trucs sales dans le lit mais se rendent malade le chapitre suivant en se demandant si c'est ok de se prendre la main dans la rue… Je ne sais même pas comment aborder le sujet de l'inceste entre Yuzu et Mei devenues sœurs par alliance alors même que ça n'apporte rien à l'intrigue à la base. Les deux lycéennes décideront tour à tour de s'en tenir à une relation affectueuse de grande sœur-petite sœur, pour finalement décider de s'en fiche et de consommer leur amour, ou bien tout simplement de faire les deux en même temps parce qu'elles n’arrivent jamais vraiment à se décider en fait… Car comme pour toutes les autres problématiques, l'auteure se contentera simplement de soulever celle-ci sans jamais y apporter de réponse claire.
Ainsi tout est très voire trop mouvementé tout au long du manga qui est certes dynamique mais qui a tendance à nous perdre quand à ce qu'il essaie de nous dire. Soit parce que rien n'est traité en profondeur, soit parce qu'on est censé faire abstraction de toute logique sous prétexte qu'il s'agit d'un yuri.
On retiendra malgré tout le dessin qui est peut-être la plus grande qualité du manga ! Celui-ci se rapproche des shôjo et offre des chara designs certes simples mais accrocheurs (je suis la seule à trouver que Yuzu est la copie conforme de Lucy de Fairy Tail par contre ?), sans parler du coup de crayon qui est vraiment beau et maîtrisé malgré l'extrême simplicité des planches et des décors. Une patte graphique très appréciable et pas trop genrée contrairement à certains shôjo ou yaoi parfois.
Fruit des années 2000
citrus est un manga difficile à juger.
Je peux aisément comprendre ce qui a fait le succès de ce yuri. L'histoire et les personnages sont simples mais le contexte et la narration dynamique pourront plaire sans trop de mal, surtout pour les plus jeunes lecteurs ou pour ceux n'ayant pas lu beaucoup de romances. De même, il faut savoir que les yuri sont généralement soit très chastes, ne montrant rien de plus que des bisous, soit très érotisés, partant dans des œuvres purement voyeuristes et fan service. Il est donc rare de trouver un entre deux dans le genre, et citrus a su s'imposer à ce niveau. Les scènes de fan service sont présentes mais sans être trop intrusives ou repoussantes, permettant de contenter tout le monde sans choquer pour autant. Malgré tout on s'interroge tout de même sur tous les codes narratifs utilisés semblant faire sortir le manga tout droit des années 2000 ! Entre les clichés usités voire carrément ringards ou les diverses intrigues qui vont d'un point A à un point B avec une romance qui fait peu de sens, difficile de ne pas se lasser avant la fin du manga (que j'ai terminé en diagonale pour tout vous avouer...).
Un yuri qui se contente de raconter une histoire plutôt que de transmettre quelque chose mais qui peut donc se voir comme une simple lecture passe-temps et légère.
Points Positifs | Points Négatifs |
Un récit dynamique | Une histoire aux clichés éculés qui part dans tous les sens |
Yuzu, un personnage solaire | Mei, un personnage froid et antipathique |
Des dessins superbes | L'univers très commun et les arrières-plans inexistants |